Patience et confiance

     Ce texte est une traduction de l’article “Patience and Trust”  paru sur le blog de la Sudbury Valley School. Il a été écrit par Dana Ortegón, mère d'un enfant de l'école. Je remercie la Sudbury Valley School de m’avoir autorisé à publier la traduction de cet article sur ce blog.


     Être parent d’un élève de l’école Sudbury Valley présente des défis uniques. Par exemple, sans tableau d’honneur (NdT: équivalent à un classement d’élèves), sans équipe universitaire ou sans programme « Talented and Gifted » (NdT : un programme sélectif d’apprentissage supplémentaire en petit groupe pour les élèves doués), il vous faut du temps pour trouver comment faire l’éloge de votre enfant. « Aujourd’hui, Sally est descendue toute seule de Big Rock et on n’a pas porté plainte contre elle pour avoir laissé trainer des détritus de toute la semaine. » De même : « Dès leur premier jour, les jumeaux ont obtenu la certification pour utiliser les marqueurs ! » ( NdT : pour en savoir plus sur la certification, vous pouvez lire cet article de l’École Dynamique ) Comment savoir que votre enfant se porte bien s’il ne s’en sort pas mieux que les autres ?

     C’est facile de se moquer, mais il est naturel de douter, de ressentir de l’incertitude et d’être anxieux lorsque l’on confie pour la première fois son enfant à un modèle d’éducation radicalement différent.  Oser remettre en question le droit absolu des adultes de décider non seulement de ce que les enfants devraient apprendre mais aussi quand et comment le faire est un terrain périlleux. C’est également menaçant pour ceux qui ne voient pas l'intérêt de remettre en cause le fait de savoir s’ils disposent réellement ces droits.

     Dès l’instant où naissent nos enfants, nous commençons à pointer les étapes du développement qui ont été franchies  : premier sourire, premier retournement , s’est assis, marche à quatre pattes, marche, premier mot.  Si nous les inscrivons dans une école traditionnelle, ils seront testés, évalués, surveillés et on attendra d’eux qu’ils progressent à un rythme soi-disant « approprié ».

 
photo: Tom Haymes

photo: Tom Haymes

 

     Prenez la lecture par exemple. Si votre enfant est scolarisé dans une école publique de Manhattan et qu’il ne lit pas aisément en milieu de grande section de maternelle, il court le risque d’être freiné dans ses progrès. Nous avons vécu la situation inverse lorsque nous nous sommes intéressés à  une école “alternative” pour notre enfant âgé de cinq ans à l’époque. Il savait déjà lire mais on nous a dit alors qu’il devrait réapprendre à le faire phonétiquement.

     Dans les écoles basées sur le modèle Sudbury, il n’y a pas de cours de lecture formellement programmé . Si vous êtes passés par l’école traditionnelle, il peut vous être difficile de concevoir que les enfants puissent apprendre à lire sans feuilles de travail, sans flashcards (NdT : cartes d’aide à l’apprentissage de la lecture) ou sans cours formels. Une des questions les plus courantes que posent les parents au sujet d’une école Sudbury est : « Mais comment mon enfant va-t-il apprendre à lire ? »

     Cela dépend de l’enfant. Certains semblent apprendre par osmose. Décoder l’alphabet et faire des connections entre le symbole, le son et le sens leur vient facilement et naturellement.  D’autres ont des difficultés, mais ont un désir farouche de lire et vont volontiers s’exercer à lire des douzaines de sons de façon abrutissante afin d’atteindre leur objectif. La philosophie de l’apprentissage mené par l’enfant de la Sudbury Valley concilie ces deux types d’apprenants et tous ceux qui se situent entre les deux.

      Donc lorsque des parents nous questionnent afin de savoir si leur enfant pourra apprendre à lire à la Sudbury Valley, la réponse est : oui! , sans la moindre hésitation. Mais seulement voilà, le comment, le quand et le pourquoi qui entourent cet apprentissage sera entièrement du ressort de leur enfant. Tous les parents ne sont pas à l’aise avec ce degré d’imprévisibilité, surtout lorsque nous sommes bombardés de messages qui insistent sur le fait que la moindre décision que nous prenons concernant l’éducation de nos enfants aura un impact profond sur leur futur. Le programme scolaire de base et les batteries de tests nous disent exactement où nos enfants sont censés être. Ce qui, bien sûr, s’ils n’y sont pas, sous-entend à quel point nous sommes de mauvais parents.

     Jouir de la liberté d’apprendre à son propre rythme est un cadeau extraordinaire. En tant que parent, nous devons être patients. Nous devons avoir confiance. Et, du point de vue d’une personne qui le vit depuis six ans, je vous le dis, cela en vaut totalement la peine.

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