Vont-ils apprendre à lire un jour?
Comment les enfants apprennent-ils à lire sans enseignement formel?
De nombreux témoignages existent. En voici un de Jen Harnish, mère de trois enfants scolarisés à la Sudbury Valley School (SVS). Il a été publié en 2015 sur le blog de la SVS.
Je remercie la Sudbury Valley School de m’avoir autorisée à publier la traduction de cet article sur ce blog.
Lire pour le plaisir et la connaissance a toujours joué un rôle important dans ma vie. Quand mes trois enfants ont été scolarisés à SVS très jeunes, je ne pouvais pas m’empêcher de me demander comment ils apprendraient à lire sans l’enseignement que j’avais reçu en tant qu’enfant.
Maintenant que mes trois enfants ont plus de dix ans et qu’ils lisent ce qui les intéresse, j’ai pu réfléchir aux différents chemins qu’ils ont emprunté dans leur apprentissage de la lecture.
Mon aîné a commencé à lire spontanément, avant même de commencer à SVS. Il n’y a pas eu d’instruction directe, seulement des livres qui traînaient dans toute la maison, qu’on lui lisait de temps à autre, et la frustration ici et là de ne pas pouvoir lire ce qui était écrit en bas de l’écran de son jeu vidéo préféré. Un jour, il a pris un livre et a commencé à lire les mots avec un peu d’hésitation. Maintenant, scolarisé à SVS depuis huit ans, on peut le trouver en train de lire des livres de science fiction de mille pages, de paresser quelque part dans la maison ou d’échapper à la folie familiale en lisant un livre tout en regardant une émission de télévision. Ou encore en utilisant un livre auparavant apprécié qui maintenant tombe en miettes pour allumer un feu de camp !
Ma cadette est entrée à SVS à cinq ans et ne montrait à ce moment-là aucun signe d’intérêt pour la lecture. À 10 ans, on peut maintenant la trouver cachée sous une couverture avec une lampe de lecture, profitant des livres qu’elle a subtilisés dans de l’étagère de son frère ou qu’elle a empruntés à ses amis de SVS. Une bonne partie de ses lectures se fait aussi à travers des jeux vidéos, des recettes, des plaques d’immatriculation, des bons de réduction et de la liste des jeux de l’« App store ».
Tout comme sa sœur jumelle, mon troisième enfant a aussi commencé sa scolarité à SVS sans savoir lire. Sa lecture s’est également développée au fil du temps, mais pas de manière aussi évidente que chez son frère et sa sœur. Tout comme elle préférait rester assise à regarder sa sœur marcher durant la petite enfance, elle a passé ces deux dernières années à simplement observer comment les autres commençaient à lire, et elle satisfaisait son besoin de connaître la signification d’un mot en demandant autour d’elle. J’admets que j’ai dû lutter contre ma tendance à utiliser ces moments comme des «temps d’enseignement» propices pour lui apprendre les méthodes de déchiffrement des mots. J’essayais plutôt de répondre simplement à sa question, et d’avoir confiance que sa capacité à lire apparaîtrait le moment venu. Elle a vécu des frustrations, car elle ne savait pas lire comme sa sœur et ses amis, ce qui réveillait mes doutes sur le choix éducatif que nous avions fait. Mais par la suite, la frustration semble avoir été un moteur qui a permis à ses capacités de lecture de se développer, et qui l’a amenée à son goût actuel pour la lecture. La liste des choses à lire est sans fin : des livres, des BD et énigmes dans les journaux, le nom des musiques qu’elle veut piquer dans ma collection iTunes et plus que tout, les affiches qui annoncent à l’école des événements auxquels elle peut s’inscrire.
Ce que je préfère dans le fait qu’ils sachent maintenant tous lire ? Ils ne peuvent plus utiliser l’excuse « mais je ne sais pas lire ! » pour éviter les tâches ménagères que j’affiche sur le micro-ondes quasiment tous les jours !